MALI : Le HCI met la pression sur ATT à propos du code de la famille

Publié le par Oussouf DIAGOLA

 

Mahmoud-Dicko-HCI.jpgAu cours de son meeting le dimanche 4 avril, le Haut conseil islamique (HCI) a remis sur le tapis le code des personnes et de la famille qu’il souhaite voir adopter avant la fin du mandat d’ATT en 2012 et conformément au précepte du Saint Coran.

Le HCI et les associations islamiques ont battu le record de mobilisation des ulémas le dimanche 4 avril au Palais de la culture Amadou Hampaté Bah. La salle Bazoumana Cissoko (3000 places assises) n’a pu contenir la foule. Il y avait dix fois plus de monde dans la cour et aux abords immédiats du palais que dans la salle. Le monde de dehors a été obligé de suivre le meeting à travers des haut-parleurs et sur les ondes des radios de proximité à vocation religieuse.

" Depuis le meeting du 22 août 2009, au stade du 26-Mars, la situation du code n’a pas bougé". Ainsi a été emmanché le très attendu chapitre du code des personnes et de la famille par le secrétaire général du HCI, Mahamadou Diamouténé. Il a rappelé qu’après le meeting, leur bureau a été reçu par le président de la République, Amadou Toumani Touré quatre jours plus tard, le 26 août.

A ses dires, en face du HCI et de ses démembrements, les imams de Bamako, le shérif de Nioro, le très vénéré Mbouyé, l’imam de Tombouctou, le chef de l’Etat les a prié de surseoir aux meetings et marches et promis d’installer une commission pour une seconde lecture du code après le mois de ramadan.

Le HCI qui attend à présent la promesse présidentielle n’a pas dormis sur ses lauriers. Il a mis en place une commission ad hoc composée de membres de son bureau et d’experts.

A en croire M. Diamouténé, un document a sanctionné les travaux de cette commission ad hoc. Il sera déposé sur la table de la commission promise par ATT. Le HCI ne s’est pas limité là, car aux dires de son secrétaire général et de son président, Mahamoud Dicko, après le ramadan, le bureau a envoyé des missions à Kayes, Koulikoro, Mopti, Bla et Nioro.

Répondant à des ambassades occidentales et ONG, qui s’interrogent encore sur les raisons du refus du vote du code des associations musulmanes qu’elles les qualifient d’islamistes, selon M. Diamouténé, ce dernier a affirmé que "notre religion et honneur ne seront pas combattus en nous appliquant les lois d’autres pays et qu’ils n’accepteront pas que le code dégrade la religion musulmane" avant d’ajouter qu’ils attendent d’être appelés pour de nouvelles discussions.

Le maître de cérémonie, Thierno Hady Thiam a enchaîné pour dire que "nous ne disons pas que le code ne sera pas voté, mais nous sommes contre des éléments qui sont dedans et qui sont contraires à notre religion".

Il faut rappeler que les articles du code qui fâchent sont le caractère laïc du mariage, l’égalité des parts de la fille et du garçon dans l’héritage, l’entrée de l’enfant naturel dans la succession… Tout comme au meeting du 26-Mars, Moulaye Ibn Oumar Haïdara, fils et représentant de son père, la vénérée autorité religieuse, le Shérif de Nioro a relayé le message de son père.

Le fils a fait comprendre que son père est avec ses coreligionnaires dans tous les combats en faveur de Dieu et qu’il partage avec eux le bonheur et serait prêt à récolter seul les conséquences des malheurs s’il en aura. "Mon père dit qu’il n’a pas varié dans sa position et qu’il est prêt à toutes les éventualités", a-t-il fait attendre à la salle dans une salve d’applaudissements.

Le message du Shérif de Nioro

L’envoyé du Shérif s’est étonné du fait que les autorités n’ont pas tenu leurs engagements à trouver une solution au code après le ramadan. Selon lui, "99 % de Maliens sont des musulmans et il est très facile d’enlever les articles qui fâchent et qui ne vont pas de pair avec la religion musulmane".

Il a ajouté : "Je demande aux pouvoirs publics de ne pas être suffisants. Nous les appelons au dialogue. Ils ne doivent pas attendre la fin de leur mandat pour transmettre le dossier à d’autres. Ceux qui ont soulevé la question, qu’ils la tranchent avant de passer le témoin", a-t-il dit.

M. Thiam a rappelé que "le prédécesseur d’ATT, Alpha Oumar Konaré, voulait adopter ce code à la veille de son départ mais qu’il en a été dissuadé par les ulémas qui sont allés le voir à 3 h du matin en lui signifiant que le pays risque de s’enflammer au cas où le code passe à l’Assemblée nationale. Alpha a rangé le document dans le terroir en s’excusant auprès des musulmans et en leur envoyant le lendemain des noix de colas en guise d’amende".

Le président du HCI, l’imam Mahamoud Dicko, dans des propos mesurés mais fermes a affirmé qu’ils ont fait leur part de mission et qu’ils attendent que les autorités tiennent leur promesse. "Les musulmans ne peuvent pas être une majorité marginalisée", s’est-il plaint. Selon lui, leur souhait est que "les choses se passent dans le calme sinon le pays sera ingouvernable". Et d’ajouter : "Nous demandons aux pouvoirs publics de se ressaisir. Nous aimons le calme dans le pays, mais nous adorons plus notre religion que notre pays", a-t-il dit.

Toujours selon lui, "si le code doit nous couper de Dieu, il n’y aura pas de code dans ce pays". L’imam Dicko mécontent de la marche actuelle de l’État s’est plaint de l’injustice avec une administration corrompue à la solde des plus nantis et une justice aux ordres et aux antipodes du droit. "Nous n’avons pas d’ennemis dans ce pays, mais celui qui s’opposera à Dieu nous trouvera sur son chemin", a affirmé M. Dicko. L’affaire du code des personnes et de la famille a ravi la vedette aux deux sujets à l’ordre du jour du meeting.

Le premier avait trait à la mobilisation de fonds des musulmans pour la construction et l’équipement du nouveau siège du HCI à l’ACI-2000 dont le terrain a été donné par le gouvernement en 2008 et la première pierre posée en 2009. Le chantier estimé à 500 millions de F CFA est entièrement pris en charge par la Turquie. Les ulémas ont été invités à mettre la main à la poche en achetant des cartes de 500 à 10 000 F CFA dont l’argent servira à équiper le futur bâtiment et le financement d’autres activités du HCI.

Le deuxième sujet a été évoqué presque à la fin du meeting avec la lecture d’une déclaration par Mohamed Kimbiri contre des comportements islamophobes à travers le monde dans certains pays occidentaux soit par l’interdiction de la burqa (France, Belgique, Canada) de minaret (Suisse) soit par l’assassinat de femmes musulmanes voilées (Allemagne) ou la séquestration d’un fidèle imam d’une moquée (Italie).

Le meeting bien qu’ayant pris une heure de retard, a duré deux heures. Il a débuté par la récitation du Saint Coran faite par un jeune imam officiant dans une mosquée de Magnambougou et bouclé par la "fatiya" de l’imam de la Grande mosquée de Bamako, El hadj Koké Kalé.

Abdrahamane Dicko/Les Echos (Mali)

 

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