Mali : Ces questions qui attendent des réponses d'ATT
L'interpellation est vive. Comment des armées peuvent-elles mener des raids sur notre territoire national « à l'insu » des autorités gouvernementales et surtout du Premier d'entre elles, le chef de l'État, Président de la République, Chef Suprême des Armées et de surcroit Général d'armée? Si ce n'est le Mali, difficile à imaginer.
Et pourtant c'est vraisemblablement ce qui est arrivé ce weekend au moment où notre cher Président se trouvait à l'étranger, au Tchad pour le 12ème sommet de la Communauté des États Sahélo- Sahariens (CEN-SAD) qui au demeurant prendra des résolutions sur la situation en Somalie, en Centrafrique, en Érythrée...
Jeudi, alors qu'ATT prenait part à cette rencontre qui a réuni 13 chefs d'état, c'est le ministre mauritanien de l'Intérieur Ould Boilil qui l'a révélé. L'armée mauritanienne venait de mener une opération contre les combattants d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) pour prévenir, dit-il, « une attaque, prévue le 28 juillet, contre une unité de l'armée stationnée à Bassiknou située à la frontière avec le Mali, à plus de 700 km à l'est de Nouakchott. » En réalité, l'argumentaire a été élaboré par la France qui n'a pas jugé nécessaire d'associer le Mali à une opération militaire de libération d'un otage détenu quelque part dans le sahel malien par des islamistes algériens et mauritaniens.
Nouakchott avait pourtant prévenu Alger, deux jours à l'avance qu'il prépare avec Paris « une attaque contre AQMI dans ses bases. » La formulation voulait déjà en-elle même tout dire : une attaque contre AQMI au Mali.
Murmures sous moustache
Même si Boutleflika s'est montré méfiant face à cette intervention puisque menée par une armée extra-régionale, en l'occurrence la France, il a quand même pris ses précautions de faire stationner des contingents le long de sa frontière avec Mali pour « empêcher toute dispersion d'éléments incontrôlés qui pourraient, dans leur fuite, se diriger vers l'Algérie » font aujourd'hui remarquer des sources bien informées qui attirent l'attention sur « la reprise d'assassinats kamikazes contre des cibles militaires » au pays d'origine des islamistes. Autre événement à faire remarquer : la condamnation par la Mauritanie d'islamistes présumés membres d'AQMI.
« C'est avec plusieurs jours d'avance sur l'annonce de la tenue du procès des 11 islamistes accusés dans le dossier de l’enlèvement de trois humanitaires espagnols, en novembre 2009 (ndlr: l'annonce officielle a été faite le 15 juillet) qu'AQMI a lancé son ultimatum aux autorités françaises (ndlr: précisément le 12 juillet) pour presser Nouakchott de libérer ses éléments ». Cette autre remarque aujourd'hui insidieusement infusée par des sources militaires algériennes, en dit long sur les capacités de renseignement d'AQMI. Et même s'il n'est plus besoin de montrer que l'axe Nouakchott-Alger se porte très bien comparé aux relations entre Bamako et les deux autres capitales, la tenue du Mali hors des confidences algero-mauritaniennes, se justifie logiquement par le désaveu par le duo pro-maghrébin de la méthode ATT. On rappellera la concession malienne faite pour sauver un autre français Pierre Camatte, en libérant 4 islamistes il y a peu. Décision qui a entrainé le rappel des ambassadeurs des deux pays.
Il se murmure dans les moustaches arabo-mauresques que le voisin malien montre trop d'indulgence dans sa politique de gestion des éléments islamistes. ATT lui-même n'a t-il pas déclaré entre les lignes qu'il a accordé aux islamistes le droit de rester dans le sahel malien s'ils arrivaient à tenir « sa rébellion »? La méfiance des voisins, ravive donc les critiques sur une position somme toute assez peu tenable dans la durée.
Judas à Bamako
On sait qu'AQMI vit financièrement et politiquement du trafic, de la prise d'otage et de la rançon qui en découle, toutes choses dénoncées par ATT à longueur de rencontres et de conférences pour tenter depuis des lustres de faire rallier à son projet de conférence internationale sur l'insécurité dans la bande sahélo-sahélienne.
On sait aujourd'hui que deux des principaux pays intéressés par la question se méfient de nous comme si nous étions Judas.
On sait depuis toujours que « cette histoire qui pourtant ne regarde pas le Mali » (sic) finira par nous tomber un jour sur la gueule.
Ce qu'on ne sait pas et qu'il faut craindre en priant tous dieux dogons, peuls, sonrhai, malinké et que sais-je encore pour que cela nous arrive jamais, c'est comment AQMI va se comporter désormais dans cette partie transfrontalière de notre pays où elle bénéficie de la clémence des autorités, de la complicité de certaines populations – la confirmation de la mort de l'otage français ayant été donnée par des « notables maliens ». AQMI dit vouloir se venger contre contre la mort de six de ses membres lors du raid franco-mauritanien contre ses bases au Mali en exécutant Michel Germaneau avant l'expiration de son ultimatum, La France dit ne pas laisser impuni ce crime et le Mali dans tout cela?
Un drame se joue chez nous, d'aucuns le regardent comme une farce (déjà des seconds couteaux, maîtres d'analyse sans nom, s'évertuent à tourner la situation en notre faveur en essayant de donner raison à une politique qualifiée pourtant par les plus grands spécialistes de naïve) nous aurions dû faire mieux de ne pas en être le dindon?
Plusieurs sources s'accordent aujourd'hui à souligner l'hébètement malien dans la salle de conférence de N'Djamena au moment où l'information d'une intervention franco-malienne pour sauver l'otage Michel Germaneau était diffusée.
ATT a bien fait de rentrer précipitamment pour jouer son rôle de chef d'état, chef militaire des armées. Maintenant face la pluie de questions que se posent les Maliens en cette année de célébration de cinquantenaire d'accession à la souveraineté nationale, il doit être plus que jamais le Président. Avec tout ce que la Constitution lui attribue comme rôle et devoir.