« La Guerre totale » de Dioncounda
Investi dans es fonctions de président intérimaire de la république ce jeudi 12 avril 2012, Dioncounda Traoré a prononcé un discours dans lequel beaucoup auront retenu l’annonce « d’une guerre totale et implacable ». Décryptage.
La solennité de la cérémonie d’investiture de Dioncounda Traoré dans ses fonctions de président par intérim de la république se lisait sur tous les visages. Décoré du drapeau et de la grande croix de la République en attendant de prononcer son discours d’investiture, le nouveau président, a ressorti son discours pour faire une dernière mise en bouche. L’épisode n’a pas échappé aux yeux fouineurs et taquins. Les observateurs l’ont interprété comme le signe d’une conscience claire de sa fonction mais aussi d’une détermination sans faille dans sa mission.
Le discours commence par un constat et non comme c’est généralement le cas une adresse : « Tessalit, Kidal, Gao, Tombouctou occupés, le Mali, terre de paix, de tolérance et de dialogue coupé en deux. Nos populations du Nord soumises à toutes sortes d’atrocités et d’exactions, notre République laïque et notre démocratie menacées !! » C’est seulement après ce constat, que commencera son adresse, une adresse qu’il aurait préférée faire « en des circonstances moins dramatiques ! ». « Le Mali, fera t-il remarquer, n’a jamais connu de moments plus difficiles. Puisque c’est son existence même en tant que Nation, en tant qu’Etat, en tant que territoire qui est en jeu ».
Primauté aux soldats
Parlant en premier lieu « de nos soldats morts au front, sauvagement assassinés » puis de « toutes les personnes qui ont perdu leur vie, leurs proches, leurs biens » Dioncounda, fait ainsi remarquer à l’armée et aux victimes de la guerre qui sévit dans la partie nord du territoire toute la reconnaissance de l’état. Cette primauté des militaires dans le discours est aussi le signe d’une priorité tout comme d’une prise de conscience par les soldats de leur devoir. Dioncounda met ainsi l’armée face à son devoir : une « armée remise en condition et en confiance [qui] se battra entre les dunes, […] sur les collines et dans la plaine […] jusqu’à la victoire finale celle du Mali qui a recouvré tout son territoire et retrouvé sa laïcité. »
« J’ai conscience d’être le Président d’un pays en guerre qui doit retrouver la paix sans tarder ». Cette affirmation sera suivie « avec insistance et avec fermeté » d’un appel aux « groupes armés » à « revenir dans les rangs, à arrêter les exactions, les pillages, les viols, à quitter les cités qu'ils ont occupées ». Une façon de d’annoncer sa disposition au dialogue puisque « la seule vraie guerre devrait être celle qu’il (le Mali) doit mener contre tous les manques, contre la précarité, contre le faible taux d’éducation, contre le faible accès aux centres de santé et à l’eau potable, contre la corruption et l’injustice. »
Fermeté sur l’intégrité du pays
Mais, cet appel adressé spécifiquement au « Mouvement National de Libération de l’Azaouad et Ansardine ». Une façon de leur dire qu’ils sont et restent des maliens et que par « le Mali démocratique ne peut être sourd aux griefs de ses citoyens. Pourvu qu’ils soient connus et exprimés, non par la violence dont personne ne peut prévoir les conséquences, mais par le dialogue qui est un trait fondamental de nos cultures, de toutes nos cultures ».
A Aqmi, Dioncounda Traoré dira : « nous n’hésiterons pas à mener une guerre totale et implacable pour recouvrer notre intégrité territoriale mais aussi pour bouter hors de nos frontières tous ces envahisseurs porteurs de désolation et de misère, que sont AQMI, et tous ces trafiquants de drogues qui opèrent depuis trop longtemps dans le Nord de notre pays de même que tous ces preneurs d’otages qui discréditent notre pays et portent un préjudice incommensurable à notre développement ».
La menace, on le voit, est directement adressée à Aqmi avec fermeté. Mais pas seulement car Dioncounda le sait il est « aussi désormais le Président d’un Peuple dont le sens de l’honneur et de la dignité, ne s’est jamais démenti le long des siècles au fil de l’histoire ».
« Cela doit être compris de tous : nous ne négocierons jamais la partition du Mali. » Dans son discours Dioncounda soulignera en plusieurs fois sa préférence pour la paix mais affirmera avec fermeté que « si la guerre est la seule issue nous la ferons » avec le soutien de notre sous région et l’Afrique toute entière, et avec l’aide et l’accompagnement de l’Union Européenne et de la Communauté Internationale.
Les élections après
La structuration du discours donne aussi une idée sur les tâches du nouveau gouvernement qui doit être formé pour conduire la transition qui suivra la période intérimaire de 40 jours « à compter de la notification de l’acte d’investiture du président intérimaire » c'est-à-dire à partir du jeudi 12 avril 2012 ainsi que le dira la greffière en chef de la Cour constitutionnelle. Et Dioncounda Traoré n’est pas dupe, au 22 mai prochain, fin légale de la période d’intérim constitutionnel, ni l’armée ne sera encore « remise en condition et en confiance » encore moins le pays ressoudé.
C’est pourquoi les élections attendront. Dans son discours, elles sont évoquées en deux phrases sous forme de question réponse : « Que dire des prochaines élections générales ? » A cette interrogation fondamentale, il apportera une réponse qui exige des préalables : « nous devrons bien entendu après avoir fait un état des lieux réaliser les conditions de leur tenue avec un fichier électoral crédible et sur l’ensemble du territoire. »