France-Iran : C'est du donnant-donnant
Cette décision intervient alors que Téhéran vient de permettre le retour dimanche à Paris de Clotilde Reiss, une jeune universitaire accusée d'espionnage par le régime des mollahs, qui était retenue puis près d'un an en Iran.
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux va signer ce lundi un décret qui ouvre quasiment les portes de son pays à Ali Vakili Rad. "Si ça n'a pas été déjà signé, ça doit l'être aujourd'hui", a-t-on déclaré de source proche du ministre.
Le tribunal d'application des peines de Paris, composé de juges statutairement indépendants, doit se prononcer mardi sur la demande de libération conditionnelle de cet homme, qui est acceptée par le parquet, lié au pouvoir politique.
Le 9 mars dernier, le tribunal avait reporté sa décision et déclaré attendre l'éventuel décret de Brice Hortefeux.
Arrêté en Suisse en 1992, extradé, Vakili Rad a été condamné à perpétuité en 1994 pour avoir fait partie d'un commando de trois tueurs envoyé par le régime des mollahs pour éliminer Chapour Bakhtiar, un opposant, qui a été égorgé.
Ali Vakili Rad a purgé le minimum légal de la peine, 18 ans de réclusion. Il peut donc être régulièrement libéré par anticipation et sous conditions si, selon la loi, il a indemnisé ses victimes et présente de bonne garanties de réinsertion.
DEUXIÈME DÉCISION FAVORABLE À L'IRAN
Cette possibilité n'est cependant pas un droit et reste à l'appréciation des juges, qui la repoussent souvent même lorsque le détenu a purgé la période minimale, comme cela s'est vu pour les anciens membres du groupe armé français Action directe. Le décret d'expulsion n'a de même aucun caractère automatique.
Clotilde Reiss, accusée d'espionnage et de participation aux manifestations de juin 2009 ayant suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, est revenue dimanche à Paris après avoir été condamnée à une amende de 285.000 dollars.
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a nié l'existence d'une contrepartie à cette libération, mais l'opposition de gauche a réclamé la "transparence", disant soupçonner l'existence d'un échange.
Le président Ahmadinejad avait demandé à Paris, dans un entretien à France 2 diffusé en décembre 2009, de faire des gestes pour les détenus iraniens. Nicolas Sarkozy avait répondu alors qu'il n'en était pas question, parlant de "chantage".
Le décret pris par Brice Hortefeux est la deuxième décision française favorable à l'Iran en deux semaines, après l'arrêt le 5 mai de la cour d'appel de Paris refusant l'extradition vers les Etats-Unis de Majid Kakavand.
Washington reproche à cet ingénieur iranien des achats jugés frauduleux de matériels électroniques militaires.
La décision rendue par des magistrats indépendants de la chambre de l'instruction était conforme à l'avis du parquet général, qui prend ses consignes au ministère de la Justice.
Elle a par ailleurs été rendue sur le fondement d'un avis des ministères français de la Défense et de l'Economie.
Ces derniers ont conclu que l'achat de matériels, reproché par les Etats-Unis à Majid Kakavand car ils sont censés pouvoir servir à l'industrie de l'armement, ne contrevenait pas à la loi française.
L'Iranien, qui avait été arrêté en mars 2009, a été emprisonné pendant plus de cinq mois. Il s'est vu restituer son passeport à l'audience et une caution de 200.000 euros, puis il est rentré dans son pays.
En 1987, le retour en Iran, avec l'aval d'un juge français, d'un interprète iranien soupçonné de participation à des attentats, Wahid Gordji, avait déclenché une tempête politique.
Gilles Boulouque, le magistrat qui avait rendu cette décision, très critiqué ensuite, s'est suicidé en décembre 1990.
Reuters