Entretien exclusif avec Mohamed El Moctar, ministre de la Culture

Publié le par Oussouf DIAGOLA

Mohamed-El-Moctar.JPGDans cet entretien exclusif, le ministre de la Culture, Mohamed El Moctar déplore ne rien comprendre dans la confusion que font les gens  entre sa fonction de ministre et sa personne. Il évoque également les préparatifs de la Biennale Artistique et Culturelle et ses relations avec la Fédération des Artistes du Mali.

 Bamako Hebdo : Bonjour monsieur le ministre de la Culture.  Kayes vient de remettre le fanion de la Biennale Artistique et Culturelle à Sikasso. Quel sentiment vous anime à cet événement ?
Mohamed El Moctar :

C'est vrai qu'on vient de faire la passation de témoin entre la région de Kayes qui a reçu la Biennale en 2008 et celle de Sikasso qui doit recevoir le même événement en décembre 2010. Nous avons voulu par tradition et pour plusieurs raisons faire un certain nombre d'événements : en premier lieu, la passation de témoin entre les deux gouverneurs. Et puis, le deuxième événement sera le lancement de la Biennale en fin septembre début octobre avant la phase finale en décembre. C'est une succession d'événements que nous avons initiée.

 Peut-on savoir la date exacte de ce grand rendez-vous culturel de l'année?

Pour le moment, nous n'avons pas choisi une date précise.  Au niveau du département, nous avons saisi la Primature, qui doit aussi contacter la Présidence de la République. Nous avons adressé des courriers de propositions dans le cadre des congés de Noël. Nous attendons les réactions des autorités. Je pense que cela ne va pas tarder. Et nous allons informer toutes les régions, y compris Sikasso sur les dates retenues.  Nous sommes convaincus que tout sera fait dans le temps. Raison pour laquelle, nous avons pris toutes les dispositions.

 Sous quel signe placez-vous cet événement culturel ?

 Je pense que l'édition 2010 de la Biennale est placée sous le signe du Cinquantenaire. Il s'agit pour nous de célébrer les 50 ans du Mali à travers la culture. Une aubaine pour nous, en tant que ministère de la Culture de jouer notre partition dans le cinquantenaire à travers un certain nombre d'activités y compris la Biennale.

 Du point de vue culturel, des débats auront lieu sur ce sujet tout au long de l'année. Nous avons notre patrimoine culturel immatériel, matériel. Des débats auront lieu pendant la Biennale lors des ateliers. Je pense que la culture ne peut plus rester dans le seul social.  Toute action humaine part de la culture et tout revient à la culture, que  ce soit l'économie ou le social. Quelque soit le domaine que vous prenez,  il y a toujours l'élément culturel qui prévaut.

 C'est une matière transversale par nature et il faut qu'on intègre cette donnée pour que notre culture soit un facteur de développement, de cohésion  ou de paix sociale. C'est le fil conducteur qui lie tous les Maliens : le mariage, les alliances, les terroirs  à travers l'histoire. Il est invisible, mais il est là. Si ce n'était pas notre culture qui est millénaire, il y a longtemps que ce pays aurait éclaté. Mais, il y a quelque chose, une  limite que personne n'ose transgresser, franchir. Cette limite nous sauve de beaucoup de dérive. Nous remercions le bon Dieu pour cela.  Je pense qu'il faut mettre tout cela en valeur. La culture a des valeurs exceptionnelles qu'on ne trouve nulle part : le respect du droit de l'être dans la famille, de la tradition, de l'enseignant, du vieillard, de la femme. La culture remplit une fonction exceptionnelle qu'aucune autre matière ne peut remplacer.

 Peut-on s'attendre  à des innovations pour la Biennale 2010 ?

Des innovations, il y en aura bien sûr.  Je préfère ne pas me prononcer pour le moment. Vous savez, depuis que je suis à la tête du  département de la culture, j'ai toujours essayé de responsabiliser les régions pour l'organisation de la Biennale. Cela n'empêche pas de mettre des commissions nationales pour préparer cet événement dans les régions. Je suis convaincu que la Biennale ne peut pas marcher tant que les régionaux ne sont pas impliqués.  Vous ne pouvez pas préparer un tel événement à Kayes étant à Bamako. Je pense qu'il faut faire confiance aux collectivités.

 Nous avons tenté cette expérience en 2008 à Kayes. Cela a été  une réussite.   Nous allons consolider la même démarche à Sikasso. Il s'agit de faire en sorte que Sikasso innove. C'est pourquoi, nous avons responsabilisé des gens. Dès que nous commençons à donner des idées, des orientations, ils se sentiront frustrés.

 Les innovations que nous allons proposer à Sikasso, seront certainement sous forme de contributions en disant : voilà ce que nous vous suggérons. C'est aux sikassois d’en prendre acte ou pas. Je voudrais faire confiance à la région de Sikasso. Ils sont entrain de faire des propositions. Je ne vais pas anticiper sur la chose. Mais, je pense que des innovations sont prévues pour une bonne organisation

 
A quand les phases locales ?

Les phases locales se sont déroulées au niveau des cercles ou des préfectures pendant les congés de pacques. Je sais que les choses se sont bien passées.

 

 Aujourd'hui, quels sont vos rapports avec la Fédération des Artistes du Mali ?

Nous avons d'excellents rapports avec la Fédération des Artistes du Mali et toutes les associations relevant du ministère de la Culture.  Nous sommes des partenaires.  Nous avons l'avantage d'avoir ses associations avec nous. Il s'agit pour ces structures d'avoir un œil extérieur sur le département en faisant des suggestions  et des observations.  Malheureusement, les gens n'arrivent pas à faire la différence entre la fonction et la personne. Moi, je m'appelle Mohamed El Moctar, je suis ministre de la Culture. Ces deux personnalités sont différentes.

Quand une association relève du ministère de la culture, elle doit faire des observations au département. Dans ce cas, c'est le ministre de la Culture qui est interpellé. Je  trouve que c'est un avantage de prendre en compte ces observations et suggestions pour améliorer notre fonctionnement au quotidien dans l'intérêt de tous nos partenaires qui opèrent dans le domaine de la culture .Ce ne sont pas  des critiques, des observations, des suggestions faites à Mohamed El Moctar en personne,  mais au ministre de la Culture.

 J'ai mes relations personnelles, j'ai ma famille, mes amitiés. Cela n'à rien à voir avec  mon poste de ministre. Je pense que le ministre de la Culture est obligé de tenir compte  de tous les avis  puisque personne ne détient la vérité. Aucun de nous ne détient la vérité absolue.

 Et chacun de nous a besoin des idées de l'autre où qu'on se trouve pour amener un plus dans le cadre d'un travail collégial et collectif. Donc, il faut être à l'écoute de tous ceux qui opèrent dans le domaine de la culture pour que nous puissions améliorer ensemble ces mouvements d'ensemble souhaités et donner à notre culture toute sa place dans le domaine  notamment industriel et d’entreprise. Le Président de la République, Amadou Toumani Touré le dit le plus souvent : la culture doit nourrir son homme. On ne peut pas passer tout notre temps  à taper le balafon et le lendemain tendre la main pour demander à manger. C'est cette  vision qu'il faut ancrer dans les esprits.

 Grâce aux démarches du Président ATT, nous avons bénéficié du financement de la culture de l'Union Européenne à travers un nouveau programme. Il faut que les gens soumettent des dossiers capables d'impacter sur la croissance du pays et l'emploi.  On ne va pas financer des dossiers que l'on appelle des feux de pailles. On danse ce soir et demain il n'y a plus rien. Il faut que ça soit des entreprises, des opérateurs culturels. Il faut qu'ils vivent et que leurs familles puissent vivre.

 L'artiste Bassékou Kouyaté vient de remporter le trophée du meilleur groupe traditionnel lors des Kora 2010. En tant que ministre de la Culture, cela signifie quelque chose pour vous ?

Bassékou Kouyaté fait partie de ces jeunes générations montantes  qui veulent donner quelque chose au Mali. Nous sommes fiers de son trophée du meilleur groupe traditionnel des Koras Musics Awards 2010 qui lui a été décerné, dimanche 4 avril à Ouagadougou. Au nom du Président de la République, Amadou Toumani Touré et de tout le peuple malien, nous adressons toutes nos félicitations à l'artiste pour cette consécration continentale, qui n'était pas facile. Nous n'avons pas hésité à accompagner Bassékou dans cette campagne.  Je pense que c'est d'ailleurs notre devoir de le faire.

J'étais persuadé que Bassékou allait remporter ce trophée compte tenu de son talent d'artiste. Au départ, je n'avais pas confiance aux organisateurs de cette cérémonie de récompense des artistes africains. Je pensais qu'il y avait de la magouille derrière, après plusieurs reports. Mais Dieu merci, tout s’est bien passé

Alou B HAIDARA/BamakoHebdo

Publié dans Mali

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