Côte d'Ivoire : Les militaires prennent de l'avance sur la classe politique dans le processus de sortie de crise
Le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire se trouve bloqué depuis quelque temps en raison des divergences au sein de la classe politique, alors que les états-majors militaires des ex-belligérants semblent avoir pris une longueur d'avance.
Maintes fois, nombre d'Ivoiriens parmi lesquels le ministre ivoirien de la Défense Michel Amani Nguessan ont appelé les politiques à prendre l'exemple sur les militaires. Profitant d'une tournée dans les casernes militaires du nord ivoirien dans le mois de mars, le ministre Michel Amani a publiquement félicité les soldats de l'ex-rébellion et de l'ex-armée gouvernementale regroupés au sein de l'état-major intégré dénommé centre de commandement intégré (CCI). « Aujourd'hui, vous dormez et travaillez ensemble malgré qu'hier vous vous êtes tirés dessus. Tel que vous êtes assis côte à côte, personne ne peut distinguer parmi vous qui est Force de défense et de sécurité (FDS, ex armée gouvernementale), et qui est Force nouvelle (FN, ex-rébellion armée.), s'était réjoui le ministre.
Depuis la signature du quatrième volet de l'accord de paix de Ouagadougou qui prévoit le travail en commun des deux forces pour constituer une armée réunifiée et pour sécuriser les élections, les deux structures militaires travaillent d'arrache-pied. De façon régulière, elles se retrouvent à l'occasion des rencontres et séminaires organisées par le CCI afin de plancher sur les questions liées à la nouvelle armée et à la sécurisation des élections.
Les retrouvailles des "ennemis d'hier" s'effectuent de plus en plus dans une ambiance amicale et fraternelle, sans animosité, sans attaques verbales et sans belligérance.
Les ex-belligérants qui veulent montrer leur bonne foi, sont ainsi restés dans la logique de paix, loin des divergences de la classe politique à propos du désarmement. Pour rappel, le camp présidentiel exige le désarmement des FN avant les élections, tandis que pour ceux-ci le désarmement n'est pas un préalable. « La polémique autour du désarmement est un débat politique. Nous, les militaires, travaillons dans l'harmonie. Nous laissons les politiques faire leur débat. », a indiqué le général Michel Gueu, membre influent des FN, lors d'un atelier qui a réuni à Grand Bassam (sud) les deux forces ex-belligérantes.
Cette position du général Gueu est partagée sans ambiguité par le chef d'état-major des FN le général Soumaïla Bakayoko, et le chef d'état-major des FDS le général Philippe Mangou.
Les adversaires d'hier font preuve aujourd'hui de complicité et de sagesse. Aussi privilégient-ils le chemin de la concertation, du dialogue et du consensus pour le retour de la paix dans le pays. Les militaires ivoiriens, par leur acte, affichent la résolution à ne plus faire crépiter les armes, comme en 2002 et 2003 où le conflit a fait rage dans les deux camps. En lieu et place, les Ivoiriens assistent à une « guerre des mots » à laquelle se livrent camp présidentiel, autorités civiles des Forces nouvelles et opposition. Leurs déclarations et menaces par presse interposée ont amené le processus de sortie de crise à prendre du plomb dans l'aile. Les questions de désarmement avant ou après les élections, d'audit ou non de la liste électorale provisoire constituent la pomme de discorde entre les acteurs politiques ivoiriens.
Comme conséquence, l'élection présidentielle prévue pour la période de fin avril à début mai 2010 tend vers un autre report, après les six autres qui sont intervenus depuis 2005, la date constitutionnelle à laquelle le scrutin présidentiel devait se dérouler. Pour nombre d'observateurs nationaux, le désarmement tant souhaité et tant médiatisé devrait plutôt commencer par les hommes politiques. Ceux-ci estiment qu'à l'instar des militaires ivoiriens qui « avancent », la classe politique ivoirienne devrait désarmer les coeurs et désarmer les esprits pour accompagner « les hommes en treillis » dans le processus de sortie de crise tant attendu par les Ivoiriens.
La Côte d'Ivoire cherche le chemin de la paix depuis huit ans, après que le pays eut été le théâtre d'un conflit militaro politique entre une rébellion armée et l'armée gouvernementale. L' élection présidentielle que la nouvelle commission électorale indépendante (CEI) se prépare à organiser est censée garantir le retour définitif de la paix et la réunification du pays.
XinhuaNews